Clémentine Humeau, créateur parfumeur, est née à Manosque, en Provence. Elle est la petite fille de Gabriel Humeau, ex-président de l'Union Internationale des Œnologues.
Diplômée du Conservatoire National de Musique de Toulouse et du Conservatoire International de Musique d’Amsterdam (Hollande) en tant que hautboïste concertiste et professeur de hautbois, elle se produit dans le monde entier (Europe, Etats-Unis, Japon, Chine…), avec les plus grands ensembles de musique baroque européens (Amsterdam Baroque Orchestra, Orchestre Baroque de Séville, La Fenice, Les Arts Florissants, Gustav Léonardt…).
Passionnée d’odeurs et de parfums depuis son plus jeune âge, elle décide, après avoir travaillé « ses oreilles » pendant plus de vingt ans, d’éduquer « son nez » à l’école du cinquième sens de Paris dans laquelle elle poursuit, une formation complète de « créateur parfumeur », puis, se perfectionne à l'école internationale de Parfumerie de Grasse.
Depuis 2009, elle se consacre uniquement à son métier de création de parfums.
En dehors de ses créations pour les particuliers et les marques, Clémentine ne cesse de chercher à assouvir ses centres d’intérêts : Matières premières, nature, oenologie, sciences, poésie, musique, littérature…
En effet, passionnée de plantes à parfums, la ville de Tours lui confie la création d'un jardin du parfumeur.
Egalement intéressée par la neuro-science, elle intervient, pendant quelques années auprès de personnes âgées, souffrant de la maladie d'Alzheimer comme auprès d'enfants atteints de trisomie ou de mal voyance.
Sa longue période de voyages, durant sa carrière de musicienne l’amène à développer le goût de l’écriture sous forme de carnets de voyages et de recueils de poèmes.
Elle termine son premier roman en 2017. Le dénouement de cette fiction se concrétise par la création d'un parfum, qui sera le premier à être vendu sous la propre marque « Les Olfactines ». Ce roman et ce parfum sont indissociables et représentent une oeuvre originale, alliant littérature et composition olfactive. La sortie est prévue en 2019/2020.
Peux-tu nous parler de ton univers créatif ?
Je suis née en Provence et déjà toute petite, j’étais collectionneuse d’odeurs. Cette région m’a marquée olfactivement. C’est d’ailleurs certainement la raison pour laquelle j’apprécie les effluves aromatiques, sèches, de terre craquelée, minérale et poussiéreuse.
Je suis issue d’une famille d’artistes peintres, sculpteurs, écrivains, mais surtout de musiciens. Mon grand-frère est le leader du groupe Eiffel. La vie a fait que je suis devenue musicienne. Je suis partie à l’étranger étudier au conservatoire d’Amsterdam, et ont suivis 12 ans de tournées où j’ai énormément voyagé.
J’ai une mémoire liée à l’intime, « aux petites choses qui ne se voient pas », et mon attention est souvent happée par la grâce qui émane de ces « miniatures sensorielles », telles que le « petit » clic d’un vieil appareil photo ou le « petit » clapotis de l’eau sur les galets, la grâce des « petits » messages corporels, olfactifs ou autres. Ces sortes de « haïkus sensitifs » forment mon univers créatif.
Je cultive depuis toujours « mes fétiches sensoriels », comme si c’était tous ces petits détails qui racontaient la véritable histoire des hommes. Mes parents m’appelaient « Clémentine et ses petites niniches »…
Il me semble que c’est à l’intérieur de cette « petite gestuelle », que l’intimité se dévoile.
Pour moi, la création de parfum, c’est révéler cette intimité, raconter des histoires « cachées ». Celles que l’on a enfouies dans nos mémoires.
Y-a-t-il une personne qui t’a particulièrement marquée ou influencée ?
Ma grand-mère, de Provence. Les odeurs de mon enfance. Le magnifique prieuré de Saint-Michel de l’Observatoire que mes grands-parents avaient restauré et où je passais toutes mes vacances. La poudre de ma grand-mère, ses pots de crème, le pastis Henri Bardoin, l’eau de la fontaine, la fougasse de Ginette, le goût de rouille du balcon que je léchais enfant… Les souvenirs sont dans les odeurs. Ma grand-mère était peintre, et avait une forte personnalité. Elle aurait aimé vivre dans les années 20, côtoyer Coco Chanel et Missia, mécène et meilleure amie de Coco, cet univers d’artistes libres, de joie, de féminité, et de fête.
Ma grand-mère se parfumait avec des parfums de ces temps-là, “L’heure Bleue” de Guerlain, “Shalimar ” de Guerlain, et “Habanita” de Molinard, un parfum à la garçonne, pour une femme avant-gardiste qui fume le cigare.
Quelles sont tes sources d’ inspirations ?
Les parfums sont très proches de la musique. Ce sont des vibrations, des timbres, des matières vivantes qui parlent de choses profondes et enfouies, que l’on ne peut exprimer avec des mots.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les odeurs nous laissent si souvent silencieux. Dans le monde de « l’instinct », il n’y a pas de mot pour « dire », il n’y a que le corps, tout tendu, pour mieux écouter l’insondable manque à nous-même.
En tant que créateur parfumeur, j'aime sculpter l'impalpable, moduler sur les vibrations olfactives, et je prends un réel plaisir à travailler ces "fées volatiles" comme une argile à façonner que l'on pourrait voir ou toucher.
Ma véritable source d’inspiration est donc la matière première. Et dans le monde de la parfumerie, c’est un univers richissime qui s’offre à moi ! Je m'émerveille chaque jour aussi bien de la force que de la vulnérabilité de ces matières et c’est un véritable bonheur que de me confronter aux mystères de leur alchimie.
Le nez est-il un don ?
Je ne crois pas au don, ni au talent. J’ai vu beaucoup de musiciens « doués » ou « talentueux », qui, avec le temps, le manque de travail et de discipline, ont fini par abimer leur qualité première. Pour moi, il n’y a que la pugnacité dans le travail qui importe. Je ne pense pas avoir de don particulier, j’ai d’ailleurs dû m’exercer dur pour devenir une bonne musicienne. Pour le parfum, c’est la même chose, le même combat.
Quel autre métier aurais-tu aimé faire ?
Créatrice de chocolat...Bergère... Créatrice de jardins fous...
Quel artiste admires-tu le plus ?
L’éternel Jean-Sébastien Bach, que j’ai eu la chance d’interpréter pendant plus de 10 ans et qui a écrit de la musique absolument extra-ordinaire, d’une rare perfection, profondeur d’âme, et qui m’amène toujours à « me rapprocher du ciel ».
Une anecdote à nous raconter ?
Je suis retournée à Amsterdam il y a quelques semaines avec ma fille aînée. Je voulais lui montrer la ville dans laquelle j’avais grandi de mes 20 à 26 ans, pendant mes études musicales. Il faisait très beau ce jour là, et l’éternel crachin Hollandais semblait vouloir nous être clément. J’avais dit à ma fille que je lui montrerai mon conservatoire de musique, une superbe bâtisse flamande XIXème.
Une fois arrivées sur place, c’est avec une grande surprise que je me suis rendue compte que ce n’était plus un conservatoire de musique, mais une grand magasin de luxe qui vendait toute la belle parfumerie de niche que j’apprécie !
Le conservatoire de musique transformé en parfumerie… La musicienne devenue parfumeur… Y avait-il un sens caché à tout cela ?
J’ai été très touchée, un peu perturbée aussi…Il y avait quelque chose d’étrange dans cette vision.